vendredi, juillet 04, 2008

Crash du 16 Aout : début du procès

C'est un peu « le procès de l'horreur » qui débute ce mardi au tribunal de Fort de France. La justice examinera les questions de l'indemnisation des victimes.

Source : Mardi 24 juin 2008 00:31 | DOMactu.com | Par François Thurenne

Le point de l'indemnisation des familles des victimes sera au centre de ce procès qui retiendra toutes les attentions.

Trois ans après le drame, une partie des familles de victimes a opté pour un jugement devant un tribunal français alors que l'autre partie s'est orientée vers la justice américaine.

Place maintenant aux débats et retours sur des moments douloureux, pour tenter de déterminer les responsabilités de chacun dans l'accident de l'avion de la West Carribean Airways.

Le 16 Août 2005, 152 martiniquais perdaient la vie dans un crash tragique au nord du Venezuela.

On s'attend à des échanges et arguments qui devraient permettre d'avancer un peu sur le mystère qui entoure cet accident.

Crash du Concorde: renvoi de Continental Airlines et de cinq personnes en correctionnelle

AP | 03.07.2008 | 16:39

Huit ans après la catastrophe du Concorde qui avait fait 113 morts le 25 juillet 2000 à Gonesse (Val d'Oise), cinq personnes, ainsi que la compagnie aérienne américaine Continental Airlines, ont été renvoyées mercredi devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour "homicides et blessures involontaires", a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

Outre la compagnie, un chaudronnier de Continental, John Taylor, 40 ans, sous le coup d'un mandat d'arrêt international depuis le 30 août 2005, et Stanley Ford, 69 ans, chef de l'équipe au sein de laquelle travaillait M. Taylor, sont renvoyés en correctionnelle, annonce le parquet de Pontoise dans un communiqué.

Trois Français sont également visés par l'ordonnance de renvoi: Henri Perrier, 79 ans, directeur du programme Concorde de 1978 à 1994, Claude Frantzen, 71 ans, ex-responsable du programme à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et Jacques Hérubel, 72 ans, ingénieur en chef Concorde au sein d'Aérospatiale de 1993 à 1995. Le document est globalement conforme aux réquisitions du parquet de Pontoise, à l'exception de Jacques Hérubel, pour qui un non-lieu avait été demandé en février.

La principale hypothèse retenue dans ce drame est la perte d'une lame en titane d'un DC-10 de la Continental Airlines sur le tarmac, peu avant le décollage du Concorde d'Air France. Cette lamelle a provoqué l'éclatement d'un pneu du supersonique dont les débris en caoutchouc ont perforé le réservoir insuffisamment protégé de l'avion, en raison de défaillances dans le suivi de l'appareil.

Selon l'ordonnance de renvoi, il est reproché à John Taylor d'avoir "confectionné et installé une bande d'usure sur un appareil DC-10" le 9 juillet 2000 "sans respecter les prescriptions et pratiques en vigueur", tandis que son supérieur, Stanley Ford, a "validé" ce changement "avec imprudence". La compagnie devra répondre d'avoir autorisé la remise en service du DC-10 et de "défaillances" dans l'entretien et la maintenance des DC-10.

Aux trois Français, il est reproché d'avoir "sous-estimé" la gravité des incidents survenus sur les Concorde au cours de leur période d'exploitation. En 1979, trois incidents similaires -éclatement de pneus- s'étaient produits, dont le plus grave en juin à Washington. Les réservoirs avaient alors été perforés par des bouts de pneumatique.

MM. Perrier et Hérubel sont accusés d'avoir "privilégié le traitement des causes" de ces incidents "aux dépens des conséquences des projections" sur l'avion et d'avoir "négligé le risque incendie" et "de perte de poussée des réacteurs".

Quant à Claude Frantzen, il lui est reproché d'avoir accepté que ne soient pas prises les mesures appropriées. Ces "fautes (...) constituent des défaillances inadmissibles dans une situation qui méritait une attention soutenue, en raison des dangers et des risques qu'elle générait", note le juge dans son ordonnance de 116 pages.

Dans un rapport remis en 2004 au magistrat, les experts judiciaires avaient relevé une faiblesse structurelle des réservoirs du supersonique en cas d'exposition à des chocs multiples. Faiblesse connue, selon eux, du constructeur, Aérospatiale (devenue EADS), et de la DGAC, qui délivre les certificats de navigabilité des avions.

L'avocat de MM. Perrier et Hérubel, Me Thierry Dalmasso, a exprimé sa "profonde déception" après ce renvoi. "On ne manquait pas de bons arguments, tant juridiques que techniques, pour parvenir à un non-lieu", a-t-il déclaré à l'Associated Press. "Gonesse était imprévisible au travers des incidents antérieurs".

Continental Airlines a jugé cette décision "scandaleuse et totalement injustifiée". Dans un communiqué, la compagnie dit être "fermement convaincue que ni elle-même ni ses employés n'ont été à l'origine du drame du Concorde". "Nous nous défendrons avec la plus grande vigueur contre ces accusations". AP

Le crash de la West Caribbean Airlines d'août 2005 porté devant la justice

Source : http://www.grioo.com/ar,le_crash_de_la_west_caribbean_airlines_d_aout_2005_porte_devant_la_justice,13885.html#

Par Audrey Brière

Le mardi 16 août 2005 vers 3h30 du matin, le Mc Donnell Douglas MD82 de la compagnie colombienne West Caribbean Airlines, qui effectuait le trajet Panama-Fort-de-France, s'est écrasé au pied de la chaîne montagneuse de la Sierra de Perijà, près de la ville de Maracaibo, au Venezuela. 160 personnes, dont 152 Martiniquais, ont péri. L'affaire a été portée devant la justice.

Le mardi 16 août 2005 vers 3h30 du matin, le Mc Donnell Douglas MD82 de la compagnie colombienne West Caribbean Airlines, qui effectuait le trajet Panama-Fort-de-France, s'est écrasé au pied de la chaîne montagneuse de la Sierra de Perijà, près de la ville de Maracaibo, au Venezuela. 160 personnes, dont 152 Martiniquais, ont péri. Ils rentraient d'une semaine d'excursion au Panama, et les huit membres d'équipage étaient d'origine colombienne.

Dans un cas comme celui-ci, la question qui se pose est systématiquement la même : qui est responsable, et qui va payer ? André Tisserand, vice-président de l'Association des Victimes de la Catastrophe Aérienne du 16 août 2005 au Vénézuela (AVCA), dénonce le « fatalisme pour excuse ». « Aujourd’hui, la dernière manipulation consiste à scander que l’avion est le moyen de transport le plus sûr et à présenter les accidents aériens comme une donnée statistique : une banalisation des crashes à comptabiliser en 'pertes et profits' ». Mais de poursuivre que eux, les proches et amis des victimes, n'ont pas vécu ce drame comme un « simple accident de la route ». Ainsi, les responsables doivent être présentés à la justice.

Tentons d'y voir clair. En effet, l'avion était américain, la compagnie aérienne colombienne, les passagers martiniquais, et le crash s'est produit au Vénézuela. Face à cet imbroglio, qui attaquer ? En vertu de quel droit ? Devant quelle juridiction ? André Tisserand a accepté de répondre à nos questions.


Les responsabilités

Elles sont plurielles. Tout d'abord, celle de la compagnie West Caribbean Airlines. En effet, André Tisserand signale qu'elle avait « déjà été épinglée quatorze fois pour mauvaise tenue et falsification des documents de bord ». Soupçonnée de s'approvisionner en pièces plus ou moins au marché noir, cette compagnie n'avait « pas les moyens d'entretenir sa flotte », et aucune maintenance n'était effectuée sur les appareils. Le 5 janvier 2005, la WCA avait été condamnée à payer une amende de 89 000 dollars, dont elle ne s'est jamais acquittée entièrement. Le 28 mars 2005, un premier avion de la WCA s'était écrasé sur l’île de Providencia en Colombie. Huit morts. En un mot, la WCA n'était pas franchement digne de confiance.

Ajouté à cela l'avion lui-même, chef d'œuvre antique qui aurait plus eu sa place dans une casse ou dans musée de par son ancienneté, que dans le ciel d'Amérique du Sud. Ce Mc Donnell Douglas MD-82 datait de 1986, et avait volé pour Continental Airlines jusqu'en 2001, date à laquelle il avait été immobilisé dans une casse pour avions. Quatre ans plus tard, on le tirait de sa retraite pour le vendre à MK Aviation SA, une société américaine domiciliée au Panama. Société qui s'était empressée de louer sa nouvelle acquisition à WCA. Les mois précédant le crash, plusieurs problèmes avaient été signalés sur l'avion : « la perte d'éléments du fuselage, des chutes intempestives des masques à oxygène, et même un éclatement de pneu à l'atterrissage ayant entraîné une sortie de piste ». Pas vraiment rassurant, tout cela. Qu'à cela ne tienne, il n'en était pas moins le seul appareil, dans les hangars de la WCA, en état de transporter 152 passagers et 8 membres d'équipage de Panama à Fort-de-France. Un vieil avion surexploité et à moitié bancal.

Et pourtant, la Direction générale de l'aviation civile française (DGAC) a donné son feu vert pour le transport de ces pauvres gens dans ce coucou déséquilibré. Comment est-ce possible ? En réalité, la réponse est on ne peut plus simple : la DGAC n'a « pas eu le réflexe d'interroger son homologue colombien » sur le crédit que l'on pouvait accorder à la WCA. Aujourd'hui, la direction de l'aviation civile colombienne s'exclame : « Personne ne nous a questionné sur cette compagnie, nous aurions dit ce que nous avions si la DGAC française nous en avait fait la demande ». Ainsi, les autorités françaises ont « délivré une autorisation de vol de façon purement administrative sans se soucier ni de l'origine de la compagnie, ni de ses finances, ni de son passé proche », s'indigne André Tisserand. « Avec un simple télétex les autorités françaises auraient eu toutes les informations nécessaires sur cet avion. Pourquoi ne l’ont-elles pas envoyé ? » En voilà une bonne question : pourquoi diable une compagnie déjà sanctionnée à quatorze reprises pour des infractions à la sécurité a-t-elle été autorisée à voler pour le compte de la Martinique ? Et André Tisserand de conclure : « devant tant de laxisme et d’insouciance des autorités françaises, le scepticisme prévaut maintenant sur le véritable désir de sanctionner ces vols charters ».

Ensuite – eh non, ce n'est pas suffisant – Newvac Corporation, une société basée à Miami, a organisé les excursions entre mai et août 2005, et a conclu un contrat d'affrètement avec Globe Trotter, une agence de voyage. M. Cimetier, président de Newvac, a fourni à Globe Trotter l’avion, l’hôtel, le transport terrestre et les excursions au Panama. Newvac était le transporteur contractuel. « Les différents partenaires du réseau Newvac gagnaient de l’argent en minimisant la sécurité des passagers et en se partageant les bénéfices de l’opération. C’était une grande famille où chacun mettait ses intérêts en commun sur le dos des victimes », explique encore M. Tisserand.

Ainsi, WCA, la DGAC, Newvac Corporation, Globe Trotter, et MK Aviation SA – le loueur de l'avion qui a, entre parenthèses, été indemnisé pour la perte de son appareil – se sont, entre autres, responsables de la mort de 160 personnes.

Les actions engagées

Ceci dit, qui va payer ? Et où cela va-t-il se décider ? Aucune des sociétés mise en cause n'a son siège en France ou sur le sol européen. De ce fait, le code de procédure civile français ainsi que la Convention de Montréal disposent que les familles des victimes peuvent choisir la juridiction du lieu où demeure l'un des protagonistes, puisqu'il y en a plusieurs dans le cas présent : « l’action peut- être portée au choix du demandeur (…), soit devant le tribunal du lieu de destination (…) soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu ».

Un procès civil s'ouvrira le 24 juin à Fort-de-France pour tenter d'indemniser les familles des victimes. « En Martinique, des avocats vont commencer une audience pour déterminer un montant d'indemnisation », indique André Tisserand. « Il faut savoir que les adversaires des familles proposent 10 000 euros à un enfant qui a perdu ses deux parents ! Et pourtant l’avion était assuré à hauteur de 450 millions de dollars.

Colséguros [l'assureur de la compagnie, NDLR] a touché pour la carcasse de son avion 2 millions de dollars. L’avion a été acheté à moins 1 million de dollars ! Juteuse opération pour elle », ajoute-t-il. Les familles seront indemnisées au cas par cas.

Une autre action a été engagée aux États-Unis, en décembre 2006, contre la compagnie WCA, considérée comme « transporteur de fait », et la société américaine Newvac Corporation, affréteurs de l'avion et « transporteur contractuel ». Les deux sociétés opposent une vive résistante et tentent de faire renvoyer le procès en France, où l'indemnisation des victimes seraient probablement moins importante.

Par ailleurs, une action a été engagée devant le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France contre Boeing et McDonnell Douglas, constructeurs de l’avion, et une autre devant le même tribunal contre Pratt & Whitney, fabriquant des moteurs.

Si le procès pénal – on attend toujours les conclusions de l'enquête – se déroule sur le sol américain, les personnes reconnues responsables du drame encourront des peines de prison, ainsi que de lourdes sanctions pécuniaires.

« Pour la petite histoire, sachez que le directeur de la DGAC en fonction lors du crash a été muté en Afrique. Promotion ou sanction ? », se demande M. Tisserand. Eh oui, s'il y en a bien une qui ne semble pas être inquiétée par la justice, dans cette affaire, c'est bien la DCAC, pourtant pas exempte de toute responsabilité.

Pourquoi un procès aux États-Unis serait plus équitable?

Selon M. Tisserand, il est vital de revenir dans le pays d'origine de l'avion pour statuer sur ce qui est arrivé. En effet, « les pays du tiers-monde ne sont pas des poubelles et les habitants de ces pays ne sont pas des citoyens de seconde zone, des sous-hommes qui n’auraient droit qu’aux appareils que les autres mettent au rebut parce que trop vieux, parce qu’endommagés etc. », argumente-t-il. « Seules les autorités américaines sont aptes à créer de nouvelles règles et lois pour 'nettoyer' la zone de ses propres produits qu’elle ne veut pas pour ses concitoyens », poursuit-il.

« C’est un avion américain qui est en cause, car bien qu’il soit loué à une société colombienne, la société propriétaire a été indemnisée par une assurance de la perte de son aéronef. D’où l’intérêt des USA de réguler ce type de location et bien d’autres aspects encore », ajoute-t-il. Sans parler du fait qu'en territoire américain, l'indemnisation des victimes serait plus importante.