lundi, novembre 20, 2006

Poursuites judiciaires contre la West Caribbean Airways

http://www.ecaraibes.com/article/article.asp?id_article=11624866000215

Motley Rice LLC, le cabinet d’avocats spécialiste des litiges dans le secteur aérien, engage des poursuites judiciaires à l’encontre de la compagnie aérienne West Caribbean Airways et autres sociétés en rapport avec le crash d’août 2005.
Le cabinet représente les familles des victimes du crash d’août 2005 au Venezuela.

Motley Rice LLC, l’un des plus grands cabinets d’avocats au monde représentant les intérêts de plaignants dans des litiges touchant le secteur aérien, a annoncé aujourd’hui avoir engagé des poursuites judiciaires contre la compagnie aérienne West Caribbean Airways, ainsi que contre la société américaine MK Aviation (ainsi que contre son propriétaire et ses variantes), et à l’encontre d’autres sociétés, pour le compte des familles de plusieurs passagers qui ont perdu la vie dans le crash du vol 708 de la West Caribbean Airways le 16 août 2005 dans une région montagneuse dans le nord-ouest du Venezuela.

L’avion, un McDonnell Douglas MD-82, en provenance de Panama City, au Panama, était en route pour Fort de France, en Martinique, au moment du crash. Selon des rapports sur l’accident, après un piqué de 7.000 pieds par minute, l’avion s’est écrasé dans un champ dans l’état de Zulia, dans l’ouest du Venezuela. Les 160 personnes à bord, passagers et membres d’équipage, y ont perdu la vie.
Le nombre des victimes en fait l’un des crashs les plus meurtriers survenus dans le monde en 2005, et le deuxième plus important impliquant un MD-80. Le vol 708 de la West Caribbean Airways est la 20ème perte d’un MD-80, depuis la mise en service de l’avion en 1980, et la catastrophe aérienne la plus meurtrière de l’histoire du Venezuela.
Selon la plainte déposée, la West Caribbean Airways avait récemment loué l’avion du défendeur MK Aviation, Inc., une société basée dans le Nevada avec des activités aux États-Unis.
Avant l’achat par MK Aviation, l’avion était resté dans un dépôt du désert de Californie pendant presque quatre ans – accumulant plus de 48.000 heures de vol et 23.000 cycles – ce qui exigeait des pièces coûteuses et des techniciens très qualifiés afin de garantir son retour à la navigabilité.
Mais, selon la plainte, la West Caribbean, qui avait déjà eu une catastrophe aérienne en mars 2005, connaissait alors des problèmes financiers.
La compagnie avait été convoquée par la Direction générale de l’aviation civile de la Colombie (Aerocivil) pour 14 « violations très sérieuses des normes de sécurité aérienne ».
En raison de ces infractions, Aerocivil avait infligé une lourde amende à la compagnie aérienne.

Cette amende avait été ensuite réduite en raison de la mauvaise situation financière de la société. Pourtant, le défendeur MK Aviation décida de louer l’appareil à la compagnie aérienne malgré des allégations selon lesquelles elle avait connaissance des problèmes financiers de la West Caribbean, ainsi que des violations des normes de sécurité et des opérations suspendues. Au mois de mai de la même année, le Département de surveillance des ports et des transports de la Colombie a délivré une injonction contre la West Caribbean en raison de sa mauvaise situation financière. Selon la plainte, l’injonction était basée sur une estimation des états financiers de la West Caribbean qui révélaient une défaillance inévitable de la société.

Cependant, la West Caribbean aurait délibérément, imprudemment et de façon scandaleuse continué à utiliser son avion dangereux et n’aurait pas fourni la formation adéquate ni le repos à ses équipages, risquant inutilement la vie de tous les passagers à bord de ses avions.

En outre, selon la plainte, la West Caribbean aurait diffusé des listes demandant des pièces du « marché noir », non enregistrées et non agréées, qui détériorent l’état de navigabilité des avions, et ce dans le seul but de maintenir l’exploitation de l’avion.
De plus, deux sociétés basées en Floride, Newvac Corporation et Go 2 Galaxy Inc., et son directeur Jacques Cimetier, ont engagé West Caribbean pour transporter, par voie aérienne, des passagers entre la Martinique et le Panama.
En mai 2005, ces deux sociétés ont soumis une demande, auprès du gouvernement français, qui portait sur l’approbation des vols de la West Caribbean.
Les sociétés devaient démontrer, comme condition préalable, que l’avion avait les assurances nécessaires. L’assurance de la West Caribbean expirait, pourtant, en juillet 2005.

L’inévitable s’est produit le 16 août 2005. Le vol 708 en provenance du Panama vers la Martinique s’est écrasé au Venezuela, tuant tous les 160 passagers et membres d’équipage à bord. « Nous sommes d’avis que les défendeurs, notamment ceux qui ont des activités aux États-Unis, ont profité des lois américaines pour créer une compagnie aérienne meurtrière dans un vide juridique.
Cette catastrophe se produira de nouveau, encourageant ainsi des services aériens internationaux profitant des vides juridiques, à moins que nous n’agissions pour demander aux défendeurs de répondre de leurs actes », a déclaré Mary Schiavo, avocat chez Motley Rice. « Nous avons ici des sociétés du Nevada avec leurs agents et leurs bureaux en Floride, au Texas et en Californie, qui achètent et louent de vieux avions, à une compagnie aérienne qui avait été interdite de vol en raison de lacunes en matière de sécurité et qui avait même perdu son assurance.
Malgré cette situation dangereuse, deux sociétés américaines ont engagé cette compagnie non assurée et interdite de vol pour transporter des passagers dans d’autres pays. Nous voulons leur demander des comptes au nom de ces mêmes lois américaines que, selon nous, elles ont utilisées et enfreintes pour exploiter cette compagnie aérienne meurtrière d’un vide juridique. »

« Compte tenu du nombre d’avions américains mis hors service, nous devons exiger que ces sociétés répondent de leurs actes, sinon le carnage continuera », a déclaré Don McCune, avocat spécialisé dans le secteur aérien chez Motley Rice et ancien commandant de bord d’avion commercial. « J’ai piloté de vieux avions qui, conformément à la réglementation américaine, ont été inspectés et maintenus méticuleusement. Sans responsabilité, de telles sociétés continueront à prendre les plus vieux de nos appareils de nos tas de ferraille, les filer à des compagnies marginales et se faire d’énormes bénéfices. »

La plainte a été déposée auprès du tribunal fédéral du district sud de la Floride. Les défendeurs sont :
West Caribbean Airways,
The Aeronautics of Astronautics Services, USA, Inc.,
MK Aviation,
MK Leasing,
MKA Capital,
Mordechay Kraselnick, connu également sous le nom de Mory Kraselnick, connu également sous le nom de Mordechai Kraselnick,
Globe Trotters de Riviere Salee Travel,
Samir Cvrk, Valerie Cvrk,
ewvac Corporation,
Go 2 Galaxy, Inc.,
Jacques Cimetier,
Asegeuradoro Colseguros, S.A.,
et Sancom Resources Recovery, Inc.

L'INTERVIEW DU MOIS: DANIEL HIERSO REPRESENTANT L'AVCA EN METROPOLE

31 janvier 2006

Le 16 août 2005, un appareil Mac Donnell-Douglas 82 de la compagnie "West Carribean Airways" colombienne reliant Panama à Fort-de-France en Martinique s'écrasait vers 3h30 heure locale près de Machiques, un village proche de l'aéroport de Maracaïbo au Vénézuela. A bord: un équipage de huit colombiens et 152 passagers tous de la Martinique. Il n'y eut aucun survivant. Depuis s'est créée une association, l'AVCA ( Association des Victimes de la Catastrophe du 16 août 2005) avec une antenne en métropole représentée par Daniel Hierso, gérant de sociétés à Paris et représentant du président Georges Vankatapen lors de l'assemblée générale de l'association ECHO.
Lui même a perdu dans cette catastrophe ses deux parents ainsi qu'un cousin. Il a accepté de répondre aux questions du JAC. Extraits.

Vous avez représenté votre association lors de l’assemblée générale de l’association ECHO. Pourquoi?
Oui. Lorsque la délégation venue de Martinique était à Paris en novembre dernier, Alvaro Rendon président d’ECHO a très gentiment invité l’AVCA à assister à leur assemblée générale. Voilà pourquoi je me suis rendu avec plaisir à Strasbourg.

Votre association est-elle aussi membre de la FIVAA ?
Pas encore mais nous allons y adhérer sous peu. En fait, c’est comme si cela était fait. Nous attendons la validation du prochain conseil d’administration qui se déroule aujourd’hui ( ndlr : le 31 janvier).
La FIVAA a d’ailleurs mis à notre disposition deux places dans son bureau.

Outre les familles en Martinique, combien de familles sont-elles touchées en métropole ?
En métropole, il s’agit de 180 ayant-droits directs, frères, sœurs, enfants, et pour les familles élargies, il s’agit de 500 à 600 personnes. En Martinique, c’est évidemment bien plus considérable.

Avez vous déjà des éléments sur les causes de la catastrophe ?
Il a été question que les deux réacteurs de l’appareil s’étaient arrêtés ?
Beaucoup de choses ont été dites. Il y a eu un communiqué de presse du BEA du 22 novembre qui tend à démontrer que les moteurs ne se sont jamais arrêtés. Ils se seraient mis au ralenti. Il y aurait eu un signal de « flamm out » lu par les pilotes qui aurait été soit mal interprété soit il y aurait eu un problème sur la signalétique donnée.
On a trouvé des traces de rotation assez élévées. On pense que les moteurs se sont mis au ralenti.

En ce qui concerne l’enquête, les autorités vénézueliennes collaborent-elles bien avec les autorités françaises ?
On va dire que nous sommes exactement dans la même configuration internationale du point de vue théorie de l’enquête que Charm el-Cheikh. Par contre nous avons la chance d’avoir une très bonne entente entre le juge vénézuélien et les juges français, MM. Cantinol et Forges. Pour preuve, les deux boites noires ont été récupérées et sont analysées en France. Les moteurs et l’empennage de l’avion vont être récupérés et analysés en France.
Nous avions rencontré M. Cambéroux au mois de novembre. Il est conseiller du garde des Sceaux et c’est lui qui a signé le chèque.
C’est lui qui pilote toute l’opération. Cela nous a été confirmé par le BEA et nous rencontrons François Baroin le 20 février qui par son ministère nous a également confirmé la chose. Si vous voulez, la chance c’est que le Vénézuela même l’enquête mais, n’ayant pas les capacités techniques d’analyses, a confié cette partie de l’enquête à la France ce qui facilite les choses pour savoir quelles ont été les causes de l’accident.

Avez-vous déjà une idée de la date à laquelle le rapport préliminaire pourrait sortir ?
Aucune idée pour le moment.Où en est l’identification des dernières victimes ?
Quatre corps n’ont pas été retrouvés. On parlait de corps restés coincés sous la carlingue qui aurait dû être soulevée mais au jour d’aujourd’hui cela n’a pas encore été le cas.
Mais peut-être qu’au moment où l’avion va être déplacé y aura-t-il une reprise de ces recherches. Nous avons pris contact avec l' IRCGM ( Institut de recherches criminologiques de la Gendarmerie Nationale) à Rosny-sous-Bois puisqu’ils sont en charge de cette enquête mais ils ne nous ont pas laissé grand espoir à ce sujet.
Ce service a aussi analysé en parallèle avec le BEA le CVR (cockpit voice recorder) et ont remis la transcription aux juges d’instruction.

Vous êtes à Paris l’interface avec vos amis de la Martinique ? Tout passe par vous ?
Non. Nous ne sommes ici qu’une cellule faisant partie de l’association. Elle fonctionne avec un conseil d’administration, un bureau et cinq commissions : technique, juridique, finance, sociale et communication et nous, du fait de l’éloignement, nous nous sommes constitués en cellule. Cela nous permet de faire des réunions avec les familles et de rencontrer les vrais acteurs de ce type de dossier : par exemple les avocats spécialisés.
Les familles ont pu rencontrer le BEA en direct, elles ont pu discuter avec Marc Chernet président de l’association des familles des victimes de Charm el-Cheikh, Alvaro Rendon président d’ECHO, Gérard David président de la FIVAA lors d’une réunion organisée à Paris le 14 janvier.
Et donc la cellule relaye ces informations en Martinique.
Mais bien sûr, tous les rendez-vous c’est nous qui les prenons dans les ministères et ailleurs. D’ailleurs trois amis ont récemment déjeuné avec François Baroin, ministre des DOM-TOM.

Si j’ai bien compris, François Baroin suit cette affaire de près ?
Je dois dire que, sans faire de la politique qui n’a rien à voir là-dedans, on a une chance avec lui. En tant que ministre il a joué son rôle mais je pense qu’il y a un petit plus que tout le monde aura reconnu aux Antilles quel que soit son bord et Dieu sait que chez nous…le politique prend le pas sur beaucoup de choses!
Mais effectivement, le fait que le ministre avait perdu son père dans un accident d’avion a contribué grandement à ce qu’il y ait une implication, un suivi, une forte diplomatie qui s’est mise en route. A ce niveau là nous avons un très bon accompagnement.

Où en êtes vous avec les indemnisations ?
Très bonne question !
C’est en cours de négociations au jour d’aujourd’hui. On en est juste au choix des avocats et on demande aux familles de se déterminer rapidement sur ce choix. Nous n’avons pas pour le moment de stratégie arrêtée. Nous n’avons toujours pas eu d’avance sur indemnisations.
Mais il y a eu un fort élan de soutien et une implication d’une association comme l’ARAMES, ( le pendant de l’INAVEM en Martinique) du Conseil général et du Conseil régional qui ont pris en charge de manière assez intensive les besoins surtout des orphelins – il y en a 55 –
Sinon, je sais que des négociations sont en cours mais il n’y a pas d’enveloppe concrète de la part des assureurs.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Nous avons bien sûr la mission de rechercher la vérité sur les causes de l’accident mais aussi, nous souhaitons grandement profiter de l’émotion qu’a suscité notre tragédie pour pouvoir faire avancer certains dossiers et certaines réflexions. Nous avons un complexe insulaire qui fait que la donne change un petit peu, voire même beaucoup.
Pour donner une idée : 152 victimes en Martinique, proportionnellement c’est comme s’il y avait une ville de 20.000 habitants qui disparaitrait en France. Cela prend des proportions sans parler des ramifications dans les familles qui sont très grandes chez nous.
Nous espérons donner un sens profond à notre action et j’ai moi-même été très touché d’avoir été invité à l’assemblée générale d’ECHO.
Cela a été une grande leçon.
Je reviens d’un voyage en Martinique où j’ai assisté à une grande réunion et je leur ai dit : « n’oublions pas l’essentiel. J’ai été frappé que dans cette réunion, 14 ans après la catastrophe, les gens sont encore combatifs, ils sont restés unis, sont devenus des amis sur un chemin qui aurait pu faire voler en éclats l’association dix mille fois tellement on les a émoussés et promis beaucoup de choses. On est en face d’une espèce d’union sacrée.
Quand je suis allé devant ce mémorial, j’ai ressenti bien plus qu’une simple réunion de famille. Et ce message là, je l’ai transmis aux familles en Martinique.
Du fond du cœur, c’est un exemple à suivre. Parce qu’il n’y a pas que l’argent. Cela ne nous rendra jamais nos proches mais si nous pouvons contribuer tous à une réflexion sur une meilleure sécurité aérienne comme cela se fait dans d’autres pays ce sera très bien..."

Quelques liens :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_708_West_Caribbean

(fr) Site consacré à la catastrophe
(fr) L'enquête sur le crash, photos, et une explication succincte du phénomène de givrage d'un avion
(en) Informations sur l'appareil.
(fr) Fiche sur l'accident
(fr) Interview du représentant en France métropolitaine de l'AVCA.
(fr) Article dans Flightglobal.com.
(fr) Aspects juridiques
(fr) Analyses et photographies sur le site du journaliste Jean-Claude Boetsch