samedi, mars 04, 2006

Crash de la West Caribbean : l'enquête déstabilisée

Cyrille Louis / LE FIGARO
04 mars 2006

Le déplacement inopiné des moteurs de l'avion au Venezuela inquiète la justice martiniquaise, qui attendait ces pièces à conviction.


QUE SONT devenus les deux moteurs du MD 82 à bord duquel 152 Français de Martinique ont trouvé la mort le 16 août dernier dans le nord du Venezuela, près de Maracaibo ? Au palais de justice de Fort-de-France, la question est sur toutes les lèvres depuis que la disparition de ces pièces à conviction a été constatée, jeudi matin, sur le site du crash. Toujours à la recherche des causes de l'accident, les magistrats accordent en effet un intérêt tout particulier à l'analyse de ces éléments. Or nul ne sait à ce stade dans quelles conditions ils ont récemment été déplacés – pour être, semble-t-il, «mis à l'abri de la pluie».

Hier, un magistrat instructeur de Fort-de-France a déclaré au Figaro : «Ce déplacement, dont nous n'avions pas été informés, s'est fait sans notre accord. Nous tâchons actuellement de déterminer où les moteurs sont stockés. Il faudra aussi savoir avec quelles précautions ils ont été levés. En effet, de l'état dans lequel se trouvent ces pièces, déjà abîmées lors de l'impact, dépendra à terme la qualité de l'exploitation qu'on pourra en faire.»

Ces dernières semaines, la levée et le transfert vers la France des moteurs, qui pèsent deux tonnes chacun, avaient pourtant été préparés dans le plus grand soin à la demande des autorités vénézueliennes. Début février, en réponse à une commission rogatoire internationale émise depuis Caracas, les juges de Fort-de-France ont ainsi fait appel à une société française spécialisée dans ce type de chantier. Pour mener à bien l'opération – «particulièrement délicate dans la mesure où les éléments sont à moitié enfouis dans le sol» –, un hélicoptère lourd devait être mobilisé. Levées en présence des magistrats instructeurs, les pièces à conviction devaient ensuite être transportées vers Caracas par camion, puis chargées à bord d'un avion à destination de Paris, pour être ensuite analysées dans un laboratoire spécialisé de Saclay (Essonne).

«Je refuse de céder à l'alarmisme»

Jeudi matin, ce programme millimétré a toutefois été brutalement contrarié lorsque des techniciens, arrivés sur place en éclaireurs, ont constaté que le site de l'accident avait été «complètement nettoyé». Aussitôt, le tribunal de Fort-de-France et l'ambassade de Caracas ont été prévenus. «Nous avons alors pris contact avec les autorités vénézuéliennes, confie une source française. Immédiatement, elles nous ont confirmé que le ministère de l'Infrastructure a décidé, il y a plusieurs semaines, de lever les pièces pour les mettre à l'abri d'un hangar.»

Hier, les divers ministères français concernés ont tenté, tant bien que mal, de faire le point sur l'état du dossier. A l'Outre-Mer, très en pointe dans la gestion des suite de l'accident, on explique ainsi : «Nous avons d'abord été très surpris et, à vrai dire, inquiets. Mais, si nous ignorons encore où, exactement, se trouvent les moteurs, tout nous engage à penser qu'ils ont été transportés avec soin.» De leur côté, des sources judiciaires parisiennes expliquent : «L'enquête, qui n'a cessé de progresser au fil des derniers mois, va se poursuivre. Et ce même s'il faut bien reconnaître que ce rebondissement ne fait pas vraiment nos affaires.»

Certains redoutent à voix basse que ce déplacement inopiné n'ait contribué à endommager un peu plus encore les deux turbines de l'avion – au risque d'en compliquer l'exploitation. «Lors d'une réunion qui s'est tenue le 20 février dernier, les autorités nous ont présenté l'analyse des moteurs comme une grande avancée susceptible de nous informer sur les causes de l'accident, explique Carine Chassol, une jeune femme qui a perdu ses deux parents dans la catastrophe. Ce travail doit notamment mettre en évidence d'éventuels défauts de conception de l'avion. Et peut-être, un jour, d'en tirer les leçons pour qu'un tel drame ne se reproduise plus.»

Daniel Hierso, qui représente l'association des victimes du crash en métropole (*), estime : «Sitôt informé, hier, j'ai pris contact avec le ministère pour savoir dans quelles conditions ces pièces ont été déplacées. Tant que je n'ai pas sa réponse, je refuse de céder à l'alarmisme.» A Caracas, une source diplomatique française soulignait hier soir : «Il y a peut-être un peu de maladresse dans cette affaire, mais cela ne doit pas nous faire oublier l'immense bonne volonté dont ont fait preuve les autorités vénézuéliennes depuis l'accident.»

(*) Elle dispose depuis peu d'un site Internet : http ://avca-metropole.ifrance.com

Crash de la West Caribbean : les moteurs ont été mystérieusement déplacés

Panique au palais de justice de Fort-de-France.
Hier, les magistrats chargés d'enquêter sur l'accident du MD-82 à bord duquel 152 Martiniquais ont trouvé la mort, le 16 août 2005, ont eu la mauvaise surprise d'apprendre que les deux moteurs de l'appareil «ont disparu».

C'est en tout cas ce qu'ont constaté les experts mandatés par les juges martiniquais pour récupérer ces pièces à conviction, lorsqu'ils sont arrivés dans la matinée sur le site du crash au Venezuela. Ils ont aussitôt averti les autorités françaises.

Le mystérieux déplacement des moteurs pourrait compliquer l'enquête sur les causes de l'accident. Récemment, la justice vénézuélienne, officiellement chargée des investigations, avait en effet autorisé Paris à faire rapatrier les moteurs par une société française, afin qu'ils puissent être expertisés dans de bonnes conditions par la gendarmerie.
Mais hier, en arrivant dans la région de Maracaibo pour préparer le chantier devant débuter le 15 mars, les techniciens ont trouvé un site «complètement nettoyé».
Dans la soirée, le parquet de Fort-de-France se refusait hier à tout commentaire.

Une source diplomatique française à Caracas croyait savoir que : «Les moteurs ont en fait été simplement déplacés puis mis à l'abri par les autorités vénézuéliennes.» sans qu'elles aient jugé utile de prévenir la France.