jeudi, mai 18, 2006

West Caribbean, compagnie de bric et de broc

Pascale MARIANI et Roméo LANGLOIS
18 mai 2006, (Rubrique France)


La compagnie colombienne, en quasi-faillite, a collectionné accidents et incidents depuis des mois. [Article paru le 18 août 2005 dans Le Figaro]

C’est au terme d’une journée marathon que le biréacteur MD 82 a tragiquement terminé sa course, mardi, en territoire vénézuélien. Il s’agissait de son douzième vol en moins de 24 heures. Un avion fatigué, un équipage surmené, un copilote âgé d’à peine 21 ans, une compagnie aérienne au bord de la banqueroute et de sérieux problèmes de sécurité... Les doutes sur la fiabilité de West Caribbean, une jeune compagnie colombienne basée à Medellin, s’accumulent, laissant aujourd’hui planer sur ce crash une cruelle sensation de tragédie annoncée.

D’après le quotidien de Bogota El Tiempo, des pilotes avaient manifesté par radio, la veille de l’accident, leurs inquiétudes sur l’état de l’appareil. Mais, parce que les autorités françaises avaient par deux fois révisé le MD 82 en Martinique, le vol charter Panama-Fort-de-France WCA 707 avait été autorisé.

West Caribbean a annoncé hier qu’elle cessait temporairement toutes ses opérations. Et pour cause : le MD 82 sinistré était l’unique appareil de la compagnie fondée en 1998 encore en circulation. Depuis début juillet, les autres avions de West Caribbean étaient interdits de vol pour manquement aux normes de sécurité. Toute la charge de travail de cette petite compagnie surendettée en phase de restructuration reposait donc sur ce seul avion. Celui-ci avait d’ailleurs déjà donné des signes de défaillances : dépourvu de système anti-incendie, il avait été immobilisé durant une semaine en juillet.

Quelques jours plus tard, il avait même perdu une partie de son fuselage sur un tarmac colombien lors d’un atterrissage. Aujourd’hui, plusieurs témoins font état de mystérieuses réparations, de longues heures d’attente et de problèmes techniques à répétition depuis la semaine dernière. Des membres de l’équipage auraient même conseillé aux passagers de se plaindre auprès de l’ Aeronautica civil, l’autorité aérienne colombienne.

Déjà, en mars, un précédent aurait pu servir de signal d’alarme. Un Let 410 de West Caribbean, qui assurait la liaison entre les îles colombiennes de San Andrés et Providencia, s’était écrasé contre une montagne peu après le décollage. Bilan : huit morts. L’enquête est encore en cours et les rescapés rapatriés à Medellin sur un vol de la même compagnie avaient subi une nouvelle situation critique : dix minutes avant l’atterrissage, l’équipage avait annoncé des problèmes techniques et donné des instructions pour l’utilisation des masques à oxygène.

En janvier, l’Aviation civile colombienne avait sanctionné West Caribbean pour avoir enfreint quatorze normes du règlement aéronautique. Vingt pilotes avaient été accusés de dépasser les temps de vol autorisés. La presse colombienne s’étonne à présent de l’indulgence de l’Aeronautica civil, qui a malgré tout laissé opérer cette compagnie.


Il y a quelques mois, le capitaine Jorge Perez, président de West Caribbean, avait assuré que les impayés de l’armée colombienne envers la société Heliandes, actionnaire majoritaire de la compagnie, l’avaientt placé au bord du gouffre. « La crise économique n’affecte pas la sécurité » de ses avions, a-t-il précisé hier au Tiempo. Avant d’ajouter : « Les incidents sont normaux. C’est comme quand on conduit une voiture. Un jour, elle tombe en panne à cause des pneus. Un autre jour, pour une autre raison. »

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